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Жюль Габриэль Верн, И. В. Геннис - Путешествие к центру Земли / Voyage au centre de la Terre



© Геннис И.В., подготовка текста, комментарии, упражнения и словарь

© ООО «Издательство АСТ», 2019

I

Le 24 mai 1863, un dimanche, mon oncle, le professeur Lidenbrock, revint précipitamment vers sa petite maison située dans l’un des vieux quartiers de Hambourg.


Il jeta dans un coin sa canne à tête de casse-noisette[1], sur la table son large chapeau et à son neveu ces paroles : « Axel, suis-moi ! »

Il était professeur au Johannæum[2], et faisait un cours de minéralogie pendant lequel il se mettait régulièrement en colère une fois ou deux. Non point qu’il se préoccupât d’avoir des élèves assidus à ses leçons, ni du degré d’attention qu’ils lui accordaient, ni du succès qu’ils pouvaient obtenir par la suite ; ces détails ne l’inquiétaient guère. C’était un savant égoïste, un puits de science dont la poulie grinçait quand on en voulait tirer quelque chose : en un mot, un avare.

Il y a quelques professeurs de ce genre en Allemagne.

Mon oncle était conservateur du musée minéralogique de M. Struve, ambassadeur de Russie, précieuse collection d’une renommée européenne.

C’était un homme grand, maigre, d’une santé de fer et d’un blond juvénil[3] qui lui ôtait dix bonnes années de sa cinquantaine. Ses gros yeux roulaient sans cesse derrière des lunettes considérables ; son nez, long et mince, ressemblait à une lame affilée ; les méchants prétendaient même qu’il était aimanté et qu’il attirait la limaille de fer[4]. Pure calomnie : il n’attirait que le tabac, mais en grande abondance, pour ne point mentir.

Il demeurait dans sa petite maison de Königstrasse, une habitation moitié bois, moitié brique, à pignon dentelé[5].

Mon oncle était riche pour un professeur allemand. La maison lui appartenait en toute propriété, contenant et contenu. Le contenu, c’était sa filleule Graüben[6], de dix-sept ans, la bonne Marthe et moi. En ma double qualité de neveu et d’orphelin, je devins son aide dans ses expériences.

J’avais du sang de minéralogiste dans les veines, et je ne m’ennuyais jamais en compagnie de mes précieux cailloux.

En somme, on pouvait vivre heureux dans cette maisonnette de Königstrasse, malgré les impatiences de son propriétaire, car, tout en s’y prenant d’une façon un peu brutale, celui-ci ne m’en aimait pas moins. Mais cet homme-là ne savait pas attendre.

Quand, en avril, il avait planté dans les pots de faïence de son salon des pieds de réséda, chaque matin il allait régulièrement les tirer par les feuilles afin de hâter leur croissance.

Avec un pareil original, il n’y avait qu’à obéir. Je me précipitai donc dans le cabinet de mon oncle.

II

Ce cabinet était un véritable musée. Tous les échantillons du règne minéral[7] s’y trouvaient étiquetés avec l’ordre le plus parfait.


Mon oncle était assis dans son large fauteuil et tenait entre les mains un livre qu’il considérait avec la plus profonde admiration.


« Quel livre ! quel livre ! » s’écriait-il.


Cette exclamation me rappela que le professeur Lidenbrock était aussi bibliomane.


« Eh bien ! me dit-il, tu ne vois donc pas ? Mais c’est un trésor inestimable que j’ai rencontré ce matin dans la boutique.

– Magnifique ! » répondis-je avec un enthousiasme de commande[8].

En effet, à quoi bon ce fracas pour un vieux bouquin jaunâtre auquel pendait un signet décoloré ?

Cependant le professeur continuait à pousser les interjections admiratives.

« Vois, disait-il, en se faisant à lui-même demandes et réponses ; est-ce assez beau ? Oui, c’est admirable ! Et quelle reliure ! Ce livre s’ouvre-t-il facilement ? Oui, car il reste ouvert à n’importe quelle page ! Mais se ferme-t-il bien ? Oui, car la couverture et les feuilles forment un tout bien uni. Et ce dos qui n’offre pas une seule brisure après sept cents ans d’existence ! »

Je ne pouvais faire moins que de l’interroger sur son contenu[9], bien que cela ne m’intéressât aucunement.